Béatrix de Melgueil
Comtesse de Melgueil et de Montferrand
Béatrix de Melgueil est un personnage-clé de l’histoire du comté de Melgueil. Dès son plus jeune âge, son destin est au c½ur des ambitions des grands seigneurs locaux : elle n’a de cesse de défendre son fragile héritage, allant jusqu’à déshériter son fils à unir sa fille au comte de Toulouse, scellant le destin du territoire et mettant fin au titre de comte héréditaire de Melgueil.
Née vers 1120, Béatrix est l’enfant unique de Bernard IV, comte de Melgueil et de Guillemette de Montpellier, fille aînée de Guilhem V. Elle est l’arrière-petite-fille de Pierre 1er de Melgueil, qui a soumis son comté au pape, et d’Almodis, fille du comte Pons de Toulouse. Fruit de ce double lignage, l’héritière devra, sa vie durant, défendre son patrimoine contre les ambitions de ces deux maisons.
Une héritière sous tutelle
A la mort de Bernard IV en 1132, l’unique héritière, alors âgée de douze ans, est placée sous la tutelle de Guilhem VI de Montpellier son oncle. C’est alors que le puissant comte de Toulouse, Alphonse Jourdain, cherche à faire valoir ses droits sur Melgueil : Béatrice est alliée aux comtes de Toulouse par sa trisaïeule Almodis, toujours en vie.
Un accord est alors conclu entre les deux seigneurs pour 6 ans : Alphonse Jourdain administre le sud du comté, tandis que Guilhem VI prend en charge du nord, dominé par le château de Montferrand, suivant une ligne de séparation marquée par le "chemin des Pélerins". Il est d’ailleurs prévu que si Béatrix mourait au cours des six années qui suivent sans avoir contracté de mariage, Alphonse conserverait Mauguio en toute propriété ainsi que les droits monétaires, tandis que Guilhem garderait le nord du comté mais perdrait ses droits sur la monnaie.
Dans tous les cas, entrer en possession du comté de Melgueil serait une aubaine pour le comte de Toulouse : il étendrait son vaste domaine vers l’est jusqu’au marquisat de Provence, dont la capitale est Avignon, qu’il a réussi à arracher au comté de Provence détenu par son grand rival Bérenger-Raimond de Barcelone. Peut-être a-t-il aussi pour projet de marier l’héritière à son propre fils, le futur Raymond V ?
Mais Béatrix survit et, ultime affront, le seigneur Guilhem réussit à négocier en secret son mariage avec Bérenger-Raimond de Barcelone, ruinant - pour un temps - ainsi les projets d’expansion toulousains.
Un héritage à partager…
En 1135, Béatrix épouse le comte de Provence, avec qui elle a un fils, Raimond-Bérenger III dit "le Jeune" (1136-1166). Lorsque son mari meurt en 1144, tué au cours d’un affrontement avec l’armée génoise dans le port de Mauguio, elle reprend elle-même l’administration du comté.
En mars 1146, elle épouse en secondes noces Bernard V Pelet, seigneur d’Alès, dont elle a un fils, Bertrand, puis une fille, Ermessende. De 1146 à 1170, c’est Bernard V qui dirige le comté au nom de sa femme, l’ayant peut-être sciemment éloignée du pouvoir. Elle ne réside pas sur le territoire mais à Alès, sur les terres de son mari, et son nom n’apparaît pas dans les actes officiels. Or, Béatrix, comtesse de Melgueil "suo jure" (de droit), est l’héritière du titre, non son époux.
Le fils aîné de Béatrice Raimond-Bérenger III meurt prématurément au siège de Nice en 1166 : il laisse une fille unique, Douce II, fruit de son mariage en 1162 avec Richilde de Pologne, cousine de l’empereur Frédéric Barberousse. Les regards se tournent alors vers la jeune héritière. Même si elle est encore une enfant (4 ans), son patrimoine est considérable : son domaine se compose du riche comté de Provence, des vicomtés de Millau, de Gévaudan et de Carlat (Cantal) mais aussi de la moitié du comté de Melgueil, dont Béatrix avait disposé en faveur de son premier fils.
Raymond V de Toulouse, fils et successeur d’Alphonse Jourdain, fait alors promettre la main de Douce à son fils, le futur Raymond VI : cette union lui permettrait non seulement d’étendre ses territoires mais aussi de laver l’affront personnel qu’il a subi 30 ans plus tôt, lorsque son projet de mariage avec Béatrix de Melgueil, la grand-mère de Douce, a été contrecarré par Guilhem de Montpellier. C’est une occasion inespérée pour lui de regagner le terrain perdu par son père.
… et une guerre de succession
Lorsque le second mari de Béatrice meurt vers 1170, son fils et héritier Bertrand ne tarde pas à remettre en question les droits de sa demi-s½ur Douce sur le comté : il n'hésite pas alors à s’affubler du titre de comte de Melgueil, alors que sa mère en est la détentrice légitime, et à se comporter comme tel.
Révoltée par cette arrogance qui porte atteinte à ses prérogatives, Béatrix déshérite son fils Bertrand par un acte authentique du 1er avril 1171 : elle partage ses domaines et leurs bénéfices (dont les revenus généreux de la frappe de monnaie) entre sa fille Ermessende, qui vient d’épouser Pierre Bermond IV de Sauve, seigneur d'Anduze, et sa petite-fille Douce.
Coup de théâtre : l'année suivante, Pierre Bermond meurt sans héritier. Béatrix doit alors chercher rapidement un nouvel appui pour contrer les man½uvres du seigneur de Montpellier mais aussi de son propre fils : écartant sa petite-fille Douce, elle offre sa fille Ermessende en mariage à Raymond VI de Toulouse, qui l’épouse en 1172. Mais Ermessende meurt sans descendance en 1176, léguant par testament le comté de Melgueil à son mari.
Le comte de Toulouse fait main basse sur le comté tant convoité. Il n’en reste pas maître longtemps : en 1211, le pape Innocent III l’excommunie et inféode le comté en 1215 aux évêques de Maguelone, ouvrant une nouvelle page de son histoire…
Béatrix de Melgueil meurt en 1190.