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Le projet de casernement (XVIIe s.)

Dès 1605, alors que les tensions entre catholiques et protestants

sont encore vives, les évêques Jean Garnier puis Pierre Fenouillet entreprennent d’ambitieux travaux d’amélioration de l’habitat et de modernisation des systèmes de défense du château.

Ce projet prend tout son sens dès 1610 avec l’assassinat d’Henri IV, initiateur de l’Edit de Nantes qui garantissait la liberté du culte protestant depuis 1598. Les travaux prévus, gigantesques, auraient dû faire entièrement disparaitre le castrum médiéval au profit d’une enceinte bastillonnée protégeant le château transformé en caserne, à l'abri dans les parties hautes.

Mais le chantier est abandonné au bout de quelques années seulement : il laisse un enchevêtrement de structures d'époques différentes, tel que nous pouvons encore le voir aujourd'hui.

 
Montferrand au XVIIe s. : projet inachevé de transformation du château en caserne. Modélisation : Thomas Robardet-Caffin
Montferrand au XVIIe s. : projet inachevé de transformation du château en caserne. Modélisation : Thomas Robardet-Caffin

Modernisation et agrandissement des espaces existants

Deux prix-faits (devis) sont commandés en 1604 et 1605. Ils listent un ensemble de travaux à réaliser sur le château afin d’augmenter sa capacité d'accueil et d’améliorer son confort.

Des cheminées sont installées, des fenêtres percées et des espaces de service créés. Les agrandissements concernent autant la construction de nouveaux bâtiments que l’extension des bâtiments existants. L'augmentation du nombre de résidents et leur rôle dans la forteresse métamorphosent l'architecture.

 
Le Vieux Montferrand au XVIIe s. : organisation du casernement
Le Vieux Montferrand au XVIIe s. : organisation du casernement

Vieux Montferrand : le logement de la garnison

Le château féodal est transformé en une véritable caserne concentrée dans le Vieux Montferrand. Le site est redimensionné pour accueillir une garnison d’une centaine d’hommes, dont une soixantaine d’arquebusiers.

Près de 700 m2 de surface habitable sont ajoutés à la plateforme de 600 m2. Le manque d’espace au sol explique les surélévations progressives du château. Les anciens espaces, jusqu’alors dévolus à l'administration féodale, revêtent de nouveaux usages. Le Vieux Montferrand est le lieu de dernier repli du château dans lequel sont stockés les vivres et le matériel de défense. Agrandis, les espaces se spécialisent aussi. Le volume d’eau stocké est augmenté dans les citernes. Fours, pressoirs, moulin, cuisines et tout le nécessaire à la vie de la garnison sont installés ou modernisés.

Au total, vingt-huit pièces différentes, caves comprises, sans compter les couloirs et les espaces de passage, composent ce nouvel ensemble architectural qui doit permettre à la garnison de subsister en temps de guerre comme en temps de paix.

Petit Montferrand : le logis aristocratique

En faisant office de logis aristocratique, le Petit Montferrand conserve sa fonction originelle de maison de chevalier. Mais si l'usage perdure, l'architecture se transforme et s’adapte au mode d'habitation du début du XVIIe siècle.

Au XVIIe siècle, on greffe un 4e niveau à la bâtisse médiévale, ce qui permet de transformer le 3e niveau en étage noble. L'accès se fait depuis un vestibule à l'est, de plain-pied avec le rocher extérieur. On y accède depuis la terrasse haute de la zone 12 : les marques de l'escalier et du vestibule sont encore visibles dans le rocher.

Le vestibule ouvre sur une grande salle de 11 ,50 m de long par 4,90 m de large. L’expertise de 1677 renseigne sur les éléments de décor alors en place : la salle est pavée avec des terres cuites (encore visibles à l'extrémité ouest de la salle), les murs sont enduits et le plafond est « à la française ». Deux fenêtres à meneaux éclairent la pièce au sud et au nord. Des latrines, apparemment les seules du château, sont localisées à proximité d'une cheminée en plâtre appuyée contre le mur nord. La grande salle est séparée par une cloison en plâtre d’une arrière-chambre située au fond de la pièce.

Le Petit Montferrand reste la seule partie du château à cumuler autant d'éléments esthétiques et de confort.

Avec des salles techniques dallées en pierre et voûtées aux niveaux inférieurs, un étage noble en enfilade avec plafond à la française, sol en tomettes et murs enduits, et des combles laissés bruts, cette résidence à flanc de falaise adopte les standards esthétiques des demeures du XVIIe siècle. Toutes proportions réduites, le choix des matériaux selon les étages hiérarchise le mode d’habitat.

Le projet de fortification tenaillée

Dans la partie basse du château, d’importants travaux de terrassement sont opérés pour moderniser la défense du site. Il s’agit d’aménager un espace de circulation pour les troupes et leur matériel sur une terrasse d'environ 800 m2 protégée par un système défensif bastionné et flanqué.

La place d'armes

Sur la place d'armes (zone 19), le rocher extrait a permis de créer deux terrasses distinctes et d’isoler le Petit Montferrand des parties basses : les espaces dédiés à l'habitat et ceux dédiés à la défense sont définitivement différenciés. Un raccourci est aussi creusé dans le rocher pour relier directement le Petit et le Vieux Montferrand à l’ouest de la Barbacane.

Ces travaux s’accompagnent d’un ambitieux projet d'enceinte bastionnée, dont la place d'armes (zone 19, 20 et 23) conserve les aménagements les plus importants et les plus aboutis. Le projet respecte les grandes règles de la fortification en vigueur au début du XVIIe siècle tout en les adaptant à la topographie : l’enceinte continue est ponctuée d'angles flanqués et d'ouvrages détachés tels que des ravelins.

 
Projet d'enceinte bastionnée. Croquis d'après Thomas Robardet-Caffin
Projet d'enceinte bastionnée. Croquis d'après Thomas Robardet-Caffin
^ Plateforme d'artillerie. Modélisation : Thomas Robardet-Caffin

La place d'armes doit se doter d'un ouvrage en queue d'hironde, avec un front tenaillé précédé d'un ravelin côté sud, une aile fermant la face ouest du château et une seconde aile, à l'est, butant contre la zone 15.

Cette campagne de fortification se caractérise par l'utilisation de blocs massifs en calcaire dur extrait sur place dans la carrière aménagée à proximité. Les pierres sont appareillées de manière extrêmement soignée.

La plateforme d'artillerie

A l’ouest de la place d’armes, les anciennes écuries sont remblayées et transformées en plateforme d’artillerie, nécessitant le démontage partiel de la maison de chevalier attenante (zone 18).

Porte ouest le long de l'enceinte bastionnée, construite dès 1610. Photo : Christophe Colrat
Porte ouest le long de l'enceinte bastionnée, construite dès 1610. Photo : Christophe Colrat

La porte ouest

A l’ouest du château, face au chemin principal, une porte est percée dans le mur du XVIIe siècle.

Ce mur extrêmement soigné, en pierres massives, est conçu pour résister à l’artillerie ennemie. Son épaisseur de 2,50 m n’a plus rien à voir avec le mur médiéval ne dépassant pas 1 m qu’il a remplacé.

Le tracé du mur devait initialement se poursuivre plus au sud pour former un bastion. Après l’abandon du projet, les deux extrémités du mur sont terminées tant bien que mal en maçonneries grossières. Des parapets, dont il reste quelques vestiges, sont ajoutés en partie haute. L’un d’eux est percé par quatre archères.

Privée d’un système de défense complet, la porte ne sera jamais mise en service.

 

Un projet inabouti

Adaptation d'urgence du dispositif de défense

Cet ambitieux projet de modernisation est abandonné en cours de réalisation. En cause : le manque de moyens mais surtout l’urgence de défendre le château en cette période troublée qui précède le siège de Montpellier par les protestants en 1622.

Les constructions amorcées sont terminées à la hâte et les structures médiévales en place sont adaptées à la va-vite pour assurer la défense la plus efficace possible : on referme les brèches ouvertes lors des premiers travaux, on renforce l’enceinte médiévale, trop fragile pour l’artillerie moderne, par des remblais massifs, on adapte le terrain pour la circulation et la protection des troupes. D’autres édifices, inutiles en l’état, sont abandonnés en cours de construction : c’est le cas notamment de la porte ouest, murée avant d’avoir été mise en service car insuffisamment protégée.

Fort heureusement, les maîtres d’œuvre ont eu la prudence de détruire les constructions anciennes uniquement lorsqu’elles entravaient l’installation des nouvelles défenses ou lorsque celles-ci étaient achevées. Ainsi, le château est toujours resté relativement protégé. Et l’arrêt prématuré des travaux explique la préservation de la grande enceinte médiévale.

 
Fortification d'urgence. Croquis d'après Thomas Robardet-Caffin
Fortification d'urgence. Croquis d'après Thomas Robardet-Caffin
 
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