Un contexte politique instable
Plusieurs raisons expliquent l’ampleur des travaux engagés dès la fin du XIIe siècle,
une période troublée qui voit le château changer de propriétaire.
De manière générale, à la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle, l’aristocratie locale, individualiste et indisciplinée face à l’autorité royale, cherche à maintenir son prestige dans la pierre, par des constructions sophistiquées et ostentatoires.
Raimond VI de Toulouse n’échappe pas à la règle, d’autant qu’il doit s’affirmer face à de puissants rivaux. Ainsi, depuis 1204, il doit composer avec Pierre II d’Aragon devenu seigneur de Montpellier par mariage. De plus, il est rapidement soupçonné d’indulgence envers l’hérésie cathare, ce qui lui vaut l’hostilité du pape. C'est ce qui justifie les travaux titanesques engagés pour fortifier Montferrand.
Lorsqu’en 1209, le comte de Toulouse doit céder au pape le château en gage de soumission, les travaux ne sont pas terminés. Ils sont poursuivis par Bertrand de Vailhauquès, châtelain de Montferrand, représentant du comte, puis, dès 1215, par les évêques de Maguelone à qui le château est finalement inféodé.
La nouvelle suzeraineté de l’évêque n’est pas acceptée facilement par les seigneurs locaux, qui ne s’empressent pas de lui prêter hommage. En 1222, Raimond VII, fils et successeur de Raimond VI, s’empare du comté avec la complicité des habitants. En 1236, ce sont plusieurs seigneurs locaux qui se révoltent contre l’autorité de l’évêque.
Ce contexte particulièrement instable expliquerait la volonté de l’évêque d’inscrire son pouvoir dans la pierre tout en dotant d’une solide forteresse. Mais le manque d’argent ne permet pas de maintenir la qualité de construction visée par le puissant comte de Toulouse.
Les techniques de construction s’adaptent : les structures en pierre de taille d’origine se combinent désormais avec un bâti plus rudimentaire en moellons grossiers, extraits sur place. A l’image de la grande enceinte, les fortifications sont entre deux âges : les grandes archères régulières, les hourds... s'inspirent des nouveaux principes de fortification apportés par les princes du nord mais l'ensemble pèche par l'absence de flanquements et par le manque de hauteur et d'épaisseur des murs.
Edification de la barbacane
Défendant l’unique accès au Vieux Montferrand, une barbacane avec pont-levis est édifiée à l'avant du bâtiment n°1. Une fois le pont franchi, une porte donne accès à un couloir voûté passant sous le bâtiment principal et débouchant dans la haute-cour, gardée par une herse.
Dans la barbacane, le passage étroit n’est pas couvert. Ainsi, l’accès peut être surveillé depuis le chemin de ronde surplombant l’édifice : en cas d’attaque, les assaillants peuvent être surpris par des tirs plongeants.
Ce renforcement particulier des points d’entrée coïncide avec le contexte politique instable de l’époque. C’est également le premier ouvrage intégralement et uniquement dédié à la défense construit dans le château.
Construction de la grande enceinte
Jusqu’au XIIe siècle, les parties basses du castrum sont occupées par un bâti médiéval informel aggloméré autour du réduit seigneurial. Construite en calcaire dur, la grande enceinte est ajoutée pour englober le bâti préexistant, aujourd’hui en grande partie disparu.
D’une longueur totale de 180 m, elle se divise en six tronçons rectilignes percés d’une quinzaine d’archères, majoritairement en grès taillé.
Cependant, bien que surmontées de hourds, ces longues sections de mur dépourvues de tours n’offrent pas la meilleure défense. Ce détail permet de dater la construction de l’enceinte du tout début du XIIIe s. : en effet, l’enceinte ponctuée de tours circulaires "ouvertes à la gorge"* n’apparaît que vers le milieu du siècle dans les châteaux perchés du Languedoc comme à Peyrepertuse, Puylaurens ou Aguilar.
* Ce type de tour est un ouvrage en forme de fer à cheval ouvert sur l’intérieur du château. En cas de prise par les envahisseurs, ceux-ci, à découvert, ne peuvent pas utiliser la tour pour attaquer.