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Le castrum primitif (XIe s.)

A la fin du XIe siècle, un premier castrum est implanté...

... sur la terrasse supérieure du site sous l’impulsion de la comtesse Almodis, veuve de Pierre 1er : il est constitué d’un petit ensemble fortifié, le "Vieux Montferrand", autour duquel sont groupées plusieurs maisons de chevaliers, ou milites castri. Trois d’entre elles sont encore visibles.

 
Le castrum du XIe s. : les 3 milites castri, encore visibles aujourd'hui ; au fond, en surplomb, le réduit fortifié du Vieux Montferrand. Modélisation : Thomas Robardet-Caffin
Le castrum du XIe s. : les 3 milites castri, encore visibles aujourd'hui ; au fond, en surplomb, le réduit fortifié du Vieux Montferrand. Modélisation : Thomas Robardet-Caffin

Un nom sans lignage ?

On a longtemps pensé que l’étymologie de Montferrand signifiait "mont de fer", renvoyant à la position stratégique de la place militaire. Aussi séduisante qu'elle soit, cette hypothèse semble peu convaincante aujourd’hui.

Le terme Montferrand, d'origine médiévale, caractérise de nombreux lieux-dits, villes et châteaux en France. Sans preuve textuelle claire, il est impossible d'établir un lien entre le château de Saint-Mathieu-de-Tréviers et un personnage précis portant le nom de Montferrand. Aucun texte connu n'atteste d'un tel lignage.

Parmi la centaine d'actes rattachés à la juridiction de Montferrand, un serment de fidélité du début du XIIe s. fait pourtant référence à trois hommes prénommés Hugo, Gui et Guiraud Raimond, dits « de Montferrand ». Ces trois personnages forment-ils une lignée aristocratique subalterne qui aurait des droits sur le castrum et qui, par conséquent, porterait le toponyme castral ? Ont-ils un lien avec les trois maisons de chevalier construites à la même époque et qui sont encore visibles aujourd’hui (zones 11, 14 et 18) ?

La référence à ce triple lignage aristocratique intervient au moment où le castrum est tenu en douaire par la comtesse Almondis, entre 1086 et 1132. Durant cette longue période, la plus stable du XIIe s., la permanence assurée par la comtesse favorise une certaine stabilité dans la gouvernance et l'occupation castrale. 

Mais, à l’inverse, on peut tout aussi bien imaginer que ces trois personnages, issus d'une des nombreuses familles seigneuriales du sud de la France portant le patronyme « de Montferrand », ont pu transmettre leur nom au castrum naissant.

Or, la mort de la comtesse Almodis vers 1132 entraîne une longue période d’instabilité marquée par l’ingérence de puissantes familles à la tête du comté et du château (seigneur de Montpellier, comtes de Toulouse, comte de Provence, seigneur d’Alès), empêchant tout lignage toponymique de s'épanouir.

Le choix de l'emplacement

Vue sur le Vieux Montferrand depuis le nord-ouest.
Vue nord-ouest du château de Montferrand surplombant la vallée @ Christophe Colrat

Comme de nombreux châteaux du Bas Languedoc, Montferrand s’inscrit dans la tradition architecturale militaire régionale à l’image d’autres sites fortifiés comme Saint-Guilhem-le-Désert (château de Verdus, dit « des Géants »), Assas…

Pour les bâtisseurs de l’époque, il s’agit de tirer le plus grand parti possible de la configuration naturelle du site, afin d’économiser des dépenses inutiles. Le château joue alors le rôle de lieu de refuge fortifié pour les populations locales, les assaillants dépassant rarement quelques centaines d’hommes.

L’emplacement choisi pour la construction est donc primordial : le château est conçu pour surveiller les environs, voir loin, mais aussi être vu, comme symbole de l’autorité comtale et de protection sur les populations.

Mais ce choix entraîne un problème majeur : celui de l’approvisionnement en eau. Le château étant éloigné de toute source directe et privé de puits, il faut prévoir l’installation de citernes : on en dénombre au moins trois à Montferrand, construites spécifiquement ou installées dans d’anciennes caves, à mesure du développement des besoins de ses occupants.

Enfin, le château est au carrefour des « trés viès » (trois voies) qui a donné son nom au village en contrebas : il est idéalement situé au croisement des routes de Vieille-Toulouse, entre Nîmes et Aniane, de Mauguio aux Cévennes et des Matelles à Quissac.

Le réduit fortifié

Le château

Le site de Montferrand, qui a fait l’objet de nombreuses transformations au fil des siècles, offre une vision très partielle du premier château féodal. Les vestiges encore visibles montrent cependant des constructions imposantes bâties dès la fin du XIe siècle. Cette structuration du bâti est liée à l'importance du lieu et au pouvoir comtal.

La partie haute du Vieux Montferrand abrite la fortification en pierre la plus ancienne du site. Certaines structures du premier établissement de la terrasse supérieure sont encore observables : la base de la tour maîtresse, une première enceinte crénelée prise dans les surélévations successives…

Les fortifications particulièrement soignées de cette enceinte du début du XIIe siècle coïncident avec la fonction comtale du château. Alors qu’à l’époque, la défense des castra se résume souvent à un fossé protégé par les murs périphériques des maisons, le château de Montferrand est fermé par une enceinte en pierre taillée, assemblée à la chaux, et couronnée d'un chemin de ronde crénelé ponctué d'archères. Le mur est flanqué de deux tours et d’un éperon, et surmonté de hourds. Par comparaison avec d’autres castra de la même période, ces dispositifs défensifs témoignent de moyens importants alloués à ce chantier. Dès sa construction, la forteresse est pensée comme un nouveau lieu central pour l'exercice du pouvoir comtal.

Ces structures originelles sont localisées dans la partie ouest du plateau (zone 7) : toutefois, à la fin du XIIe siècle, au moins deux autres édifices occupent la partie orientale de la terrasse rocheuse du Vieux Montferrand : l’un en zone 2, comme en témoignent les deux caves voûtées à la base de l’édifice, l’autre en zone 3, attesté par les traces d’un mur crénelé dans la façade sud. Ces deux constructions ont été remaniées lors de restructurations au XIIe siècle puis ultérieurement.

 
Les zones 2, 3 et 7 du château
Les zones 2, 3 et 7 du château

Maisons de chevalier

Les logis aristocratiques

Les maisons de chevalier, souvent moins transformées et moins sophistiquées en termes d'architecture, permettent une analyse plus fine de l'agencement du noyau seigneurial, des édifices qui le composent et de son évolution au cours de la période féodale.

Les milites (chevaliers) constituent un groupe de fidèles du seigneur sur lesquels celui-ci s'appuie pour administrer son domaine. Assurer la subsistance de ces hommes est la première condition pour s’attacher leur fidélité : leurs logis, bâtis de la même manière que les parties les plus anciennes du château, font partie intégrante du programme de construction de celui-ci.

 
Les 3 logis aristocratiques (milites castri) en zone 11, 14 et 18 @ Thomas Robardet-Caffin
Les 3 logis aristocratiques (milites castri) en zone 11, 14 et 18 @ Thomas Robardet-Caffin

Trois logis remarquables...

A Montferrand, trois logis aristocratiques, datant de la fin du XIe ou du début du XIIe s., sont encore observables (zones 11, 14 et 18).

Les édifices 11 et 14, qui ont conservé un mur pignon à hauteur d’origine, se ressemblent dans leur proportion et leur agencement. De forme rectangulaire, ils sont organisés sur deux niveaux, et dotés d’une toiture à deux pentes appuyée sur deux les murs pignons transversaux. Les premiers niveaux sont des caves semi-enterrées, creusées en partie dans la roche.

Le second niveau correspond à l'habitat. Il est constitué d'une vaste pièce de 56 m2 pour la première maison (zone 11) et de 31 m2 pour la seconde (zone 14). En plus de la porte, la pièce supérieure du premier logis est éclairée par une baie en plein cintre de 1 m de large tournée vers le sud : cet élément remarquable laisse penser que le logis n° 11 aurait pu être la première salle d'apparat (aula) du château.

Quelle que soit la dimension du site, les maçonneries soignées marquent une réelle distinction entre les bâtiments aristocratiques et les bâtiments à usage domestique.

Au XVIIe siècle, les travaux d’aménagement de la place d’armes (zone 19) vont considérablement modifier la topographie médiévale entre ces deux logis primitifs en faisant disparaître de nombreuses traces. C'est à cette époque que le remblai est apporté au nord de la maison 14 pour aménager un perron couvert, comme en témoignent les boulins encore observables dans le mur. L'édifice est alors appelé "maison de l'amandier".

Malgré toutes ces transformations, le mur médiéval reliant les deux maisons de chevalier est conservé sur une longueur de 14 m. Ce mur, qui ceinturait le premier réduit fortifié, est encore percé par une petite archère en sifflet. Cependant, sa faible épaisseur de 55 cm, son couronnement dépourvu de défenses et sa hauteur de 2,30 m lui confèrent un rôle plus symbolique que défensif.

... aux maçonneries soignées

Les vestiges du 3e logis (zone 18) sont plus ténus : une partie est probablement dissimulée sous les terrasses d’artillerie du XVIIe siècle.

Les vestiges de cette maison étroite aux allures de tour semblent être un habitat de chevalier supplémentaire. Les murs de l’édifice sont soignés : ils sont en moellons de calcaire dur de grandes dimensions, équarris à tête dressée. Ils conservent une certaine unité et ne semblent pas avoir subi de transformations, hormis le démontage du XVIIe siècle. La maçonnerie en grand appareil rappelle celui de la maison de la zone 14. De même, quelques blocs de calcaire tendre intercalés dans le mur évoquent les matériaux utilisés pour la voûte en berceau de cette même zone.

Enfin, l'édifice est antérieur aux autres structures attenantes, même si la base de l'angle sud-ouest de la tour est chaînée à la grande enceinte basse par trois pierres. L'appareil mixte du bâti en fait une construction plus tardive que la maison du petit Montferrand (zone 11) : elle pourrait être contemporaine de celle de la maison centrale (zone 14) construite vers 1150.

 
Les ruines du logis n°18, à gauche des anciennes écuries. Photo : Christophe Colrat
Les ruines du logis n°18, à gauche des anciennes écuries. Photo : Christophe Colrat
 
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